vendredi 13 février 2015

Décès de Roger Hanin: le président Bouteflika rend hommage à un symbole de l'amitié algéro-française

Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a rendu hommage à l'acteur français, Roger Hanin, décédé mercredi à Paris à l'âge de 89 ans, qu'il a considéré comme un "symbole de l'amitié entre les peuples algérien et français".
"C'est avec une grande émotion et une profonde tristesse que j'ai appris le décès du grand acteur français Roger Hanin, qui a dédié toute sa vie à la culture et occupé une place mémorable dans le monde du cinéma", a écrit le président Bouteflika dans un message de condoléances qu'il a adressé à la famille du défunt.
"Le peuple algérien, qui s'associe à la douleur du peuple français ami, n'oubliera pas l'apport indéniable de feu Roger Hanin à la consolidation des liens d'amitié entre les peuples algérien et français", a relevé le chef de l'Etat.
Pour le président de la République, Roger Hanin "a su, en tant que romancier, comédien, cinéaste et réalisateur, enrichir, à travers ses oeuvres, sa sensibilité et sa touche personnelle, la culture universelle et consolider les relations entre son pays, la France, et celui qui l'a vu naître, l'Algérie".
"En exprimant le voeu d'être enterré sur sa terre natale, feu Roger Hanin a témoigné, ce faisant, du respect qu'il a toujours voué au peuple algérien et à son histoire", a souligné le chef de l'Etat, précisant que l'Algérie "s'honore de recevoir, sur sa terre, la dépouille de cette sommité de la culture moderne".
"Il sera enterré avec tous les honneurs et le respect dus à sa personnalité, à son parcours et à la grandeur de son âme", a-t-il assuré.
"Au moment où nous perdons ce symbole de l'amitié entre les peuples algérien et français, permettez-moi de vous adresser mes condoléances les plus attristées et mes sentiments de compassion et sympathie", a conclu le président Bouteflika dans son message.
APS

Je me dois à l'Algérie

ROGER HANIN
JEUDI, 1 AVRIL, 1999
L'HUMANITÉ
Par Roger Hanin. Acteur.
Paris. Il fait nuit. Je suis dans mon bureau. Je pense à l'Algérie. Comme elle me paraît loin. J'ai peur de ne plus pouvoir la retrouver en pensée. Je ne veux forcer ni mon cour ni ma mémoire. Où en suis-je de l'Algérie ? J'écoute cette phrase et j'entends : " Où en suis-je de ma vie ? " Même sensation. L'Algérie, comme ma vie, m'a laissé bonheurs, souffrances, frayeurs. Et pourtant, dans le silence de mon bureau, j'ai l'impression, ce soir, que je ne la connais plus et que je n'ai ni droit ni qualité pour en parler. Et si je me taisais tout simplement ? Ah, bien sûr ! Ce serait plus conforme à l'élégance intellectuelle, et l'intelligentsia trouverait cette esquive correcte. Mais, décidément ce soir, je ne suis pas correct !... Je n'ai jamais été correct. Ni intellectuellement correct, ni politiquement correct, ni " algériennement " correct.

J'ai honte de cet affaissement que je ressens pour mon pays. Mon pays... J'ai dit " mon pays "... Chaque fois que j'évoque l'Algérie, c'est vrai, je dis " mon pays ". Est-il donc si loin cet Éden blanc de soleil, parfumé d'eucalyptus et de jasmin, orange et rouge et jaune de ses fruits, ses fleurs... Je ne me rappelle donc que cela ?... D'où vient que se télescopent l'horreur, l'OAS, les crimes, les offenses, la haine, le sang, l'exode ? Tout se mélange. Et pourtant, résiste en moi une petite pousse de refus qui s'entête. Je ne peux pas me contenter d'un constat. Même brouillé.

L'Algérie n'aurait donc plus de visage ? Difficile d'admettre l'adieu et de tirer sa révérence. Musique fade sur fond de " Vous ne me devez rien, je ne vous dois rien ". L'Algérie ne me doit rien, mais moi je dois à l'Algérie. Je dois d'y être né, d'un père d'Aïn-Beida, d'un grand-père et de toute une lignée venue de la basse Casbah. Je dois à l'Algérie d'avoir vécu de soleil, d'avoir été nourri de son amour pudique et braillard, excessif et profond, ensemencé des cris de la rue, où j'ai appris la vie, la lutte, la fraternité...

Et voilà que chaque jour, lorsque j'ouvre un journal, je lis : " Des Algériens ont assassiné lundi quarante Algériens dans le massif de l'Ouarsenis. " Mardi : " Des Algériens ont égorgé à Médéa trente femmes algériennes, dix enfants algériens. " Mercredi : " Des Algériens ont torturé des vieillards algériens, coupés en morceaux des bébés algériens. " Jeudi... J'arrête l'horreur.

Et ces crimes seraient commis au nom de Dieu ?

Je ne crois pas que Dieu veuille ce sang. Le Coran n'a jamais imaginé des scènes aussi déshonorantes, des sacrifices aussi écourants. Je ne suis pas musulman. J'en arrive à le regretter car aujourd'hui je pourrais parler plus haut, plus fort. Je suis juif et je dois une gratitude éternelle à l'Algérie d'avoir gardé sur sa terre et dans sa chair, des centaines de milliers de Juifs pendant des siècles et des siècles jusqu'à l'arrivée des Français, qui ont trouvé en envahissant le pays une communauté israélite intacte, heureuse et différente.

C'est cela l'Algérie... C'est cela l'islam : le respect, la tolérance, l'amour...

En dehors des analyses intelligentes et généreuses, il faut agir !Aujourd'hui. Il y a urgence ! Chaque heure qui passe sonne notre lâcheté. Les chefs religieux de l'islam doivent parler sans craindre de porter l'anathème. Les chefs politiques doivent se déclarer en état de guerre civile car c'est bien de cela qu'il s'agit : il y a en Algérie des hommes et des femmes qui veulent vivre d'une certaine manière et il y a en face d'eux, d'autres hommes et d'autres femmes qui veulent vivre d'une autre manière.

Je forme des voux pour que le prochain président de la République d'Algérie parvienne à faire vivre ensemble tous les Algériens dans leur patrie, qu'ils ont gagnée dans le courage et la dignité, dans le sang et les larmes, mais où ils ne veulent plus vivre dans les larmes et le sang.

Il ne faut plus que l'Algérie éloigne d'elle, par la terreur qu'elle inspire, ceux qui voudraient lui dire leur amour et leur fidélité. Il faut rendre, de nouveau, l'Algérie fréquentable, en y allant ; prouver que l'Algérie n'est pas un pays de chaos, mais une terre noble qui ne refuse pas la fraternité et appelle le courage partagé.

Je viendrai bientôt.
 L'humanité

1 commentaire:

  1. le décès de cet acteur n'a pas effacé la trace qu'il a laissé, en nouant de forts liens entre les deux pays

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