mardi 11 février 2014

Ahmed Lateb. Expert en industrie, directeur associé d’Ernest & Young : «L’octroi du terrain ne garantit pas la réalisation du projet»

Ahmed Lateb
-Le bilan des opérations du Calpiref fait ressortir une hausse de la demande en foncier en 2013 par rapport à 2012. Quelle explication donner à cette croissance ?
Cette forte hausse de la demande de foncier est un signe positif, car elle émane surtout de projets à caractère industriel et à fort potentiel en matière d’emplois et de développement local. Car les projets de très petites entreprises (TPE) sont souvent réalisés sur un foncier privé ou dans des locaux privés existants. Cette hausse dans les intentions d’investissements est essentiellement tirée par la croissance du marché algérien et les résultats positifs des programmes de soutien et de sensibilisation entamés par les pouvoirs publics depuis l’arrivée aux commandes de l’actuel gouvernement.  Malheureusement, ce fort élan dans les intentions d’investissement ne se transforme pas en projets réels. En effet, sur le terrain nous constatons que sur 10 projets d’investissements, seuls 2 verront le jour réellement avec un délai moyen de réalisation de plus de 42 mois.
-Parallèlement, le taux de satisfaction ne dépasse pas les 43%...
Ce taux est insuffisant compte tenu des enjeux que représente l’investissement industriel pour l’avenir de notre pays et son impact sur l’emploi. Les raisons de cette situation sont nombreuses. On peut citer l’adaptation du projet au foncier proposé, les coûts de réalisation, la lenteur des traitements des dossiers par les agences régionales, les moyens mis à la disposition des agences et surtout le faible nombre de zones industrielles aménagées sur le territoire.
Si on prend l’exemple d’un projet d’une unité chimique, l’octroi du terrain ne garantit pas la réalisation du projet. En effet, après le sésame de la concession, il faut ensuite lancer des études de faisabilité (étude de sol, coûts de viabilisation, accès aux infrastructures,…) qui parfois aboutissent à des coûts de mise en œuvre exorbitants ou tout simplement à l’inadéquation du terrain par rapport au projet. A ce risque de non-adéquation du terrain, il faut rajouter les études d’impact et les autorisations d’exploitation qu’il faudra obtenir pour lancer le projet.
Pensez-vous que les parcs industriels en cours de concrétisation contribueront à terme à assurer une meilleure disponibilité du foncier ?
Effectivement, l’expérience montre que les parcs ou zones industrielles générales ou spécialisées favorisent le développement industriel et rendent le foncier plus accessible avec une réduction du taux d’échecs et une baisse sensible des délais de réalisation.  Il est impératif de lancer ces zones industrielles spécialisées avec des pôles d’activités pour accélérer la durée de réalisation de l’investissement. L’Etat doit mettre les moyens sur le développement de ces zones industrielles.
-Les industries manufacturières occupent une place modeste avec 11% dans les dossiers acceptés par les Calpiref. Pourquoi cette réticence des opérateurs aux industries manufacturières ?
Le phénomène est connu, quand une filière est bien développée dans un pays (ou région), elle installe autour d’elle une dynamique de développement forte avec de nouveaux projets, notamment à travers un tissu de sous-traitance et de partenaires. Si on prend l’exemple de la filière «boissons», son développement a créé une dynamique qui a généré plus d’une centaine d’unités industrielles sur le territoire avec plus de 30 000 emplois privés et un secteur exportateur.  Cette belle réussite du privé algérien dans le secteur de la boisson ne doit pas cacher les faiblesses sur les autres secteurs. Vous citez le bois, nous importons plus de 95% de nos portes en bois. Pour aider au lancement de certaines filières stratégiques, l’Etat doit jouer son rôle de régulateur en appuyant ces secteurs avec des priorités d’accès au foncier ou d’autres mesures concrètes.
EL WATAN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire