jeudi 14 novembre 2013

Une de "Minute" sur Taubira : le "degré absolu de l'abjection"

Alors que le parquet de Paris a décidé d'ouvrir une enquête préliminaire, mercredi 13 novembre, pour injure publique à caractère racial sur la une de "Minute" qui a pour titre "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane", les politiques font bloc autour de la garde des Sceaux et dénonce les propos de l'hebdomadaire d'extrême droite.
A commencer par Kofi Yamgnane. L'ancien secrétaire d'Etat des gouvernements Cresson et Bérégovoy estime que "la France a toujours été raciste", mais que "les langues se sont déliées".
"La France n'est pas devenue raciste, la France a toujours été raciste. Sauf qu'il y a eu un moment où le racisme en France sous la République n'étant pas une opinion mais un délit, les gens en avaient honte, ils en parlaient sous le manteau. Aujourd'hui les langues se sont déliées parce qu'il y a eu quelques événements graves", a déclaré l'ancien secrétaire d'Etat sur France Info.
"En particulier je peux vous citer le discours de Sarkozy à Dakar qui dit : 'L'Homme noir n'est pas rentré dans l'Histoire'. Ça veut dire que l'homme noir est resté un animal, l'homme noir est un singe ! Aujourd'hui les Français se sentent libres, libérés, de pouvoir dire derrière leur président : 'Les Noirs sont des singes, Christiane Taubira est une guenon'", a poursuivi l'ancien secrétaire d'Etat aux Affaires sociales et à l'Intégration (1991-1992) puis à l'Intégration (1992-1993), par la suite député PS du Finistère de 1997 à 2002.
Montebourg défend "une grande dame"
De son côté, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, approuve la décision du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de saisir la justice. "L'abjection a des limites", s'est-il indigné sur France Inter, avant de rendre hommage à la ministre de la Justice en la qualifiant de "grande dame". "Porter atteinte de cette manière mérite la justice. Il y a des cas où la justice peut saisir des journaux - et heureusement ! - quand les journaux violent les principes les plus fondamentaux de la République", a-t-il affirmé.
"Cette une est odieuse, insupportable et elle vient dans un contexte qu'on ne peut pas tolérer", a lancé Harlem Désir sur iTélé, en déplorant une multiplication "de propos racistes comme, moi, je ne l'avais pas vu depuis une trentaine d'années". "Evidemment, il faut que cette une fasse l'objet de poursuites", "qu'elle ne puisse pas être affichée sur le dos de nos kiosques", a insisté le numéro un socialiste.
Bruno Le Maire "révolté"
A droite, le président de l'UMP Jean-François Copé a indiqué qu'il soutenait la démarche judiciaire du gouvernement , jugeant la Une de "Minute" "profondément scandaleuse". Interrogé devant l'Association des journalistes parlementaires (AJP) sur la saisine par Jean-Marc Ayrault du parquet de Paris, Jean-François Copé a déclaré que "oui bien sûr" il la soutenait, tout en insistant qu'il ne laisserait "pas dire ni sous-entendre que la France est raciste ou que les Français sont racistes". "Je demande qu'on arrête ces amalgames" car "notre pays c'est aussi celui des droits de l'Homme, de la liberté d'expression, de la tolérance", a poursuivi le député-maire de Meaux. "Tous les Français sont choqués qu'un journal ait pu ainsi proférer des propos racistes. Je les condamne avec la plus grande force", a-t-il ajouté. "Il faut combattre le racisme, ça n'est pas une opinion, c'est un délit. Mais jamais je ne laisserai dire que la France est raciste", a-t-il martelé. Jean-François Copé a tenu à rejeter tout parallèle entre les attaques racistes contre Christiane Taubira et son évocation, à l'automne dernier, de "cette histoire du pain au chocolat" qui visait à "marquer la montée du communautarisme et de l'intégrisme". Lors d'un meeting, il avait mentionné le cas d'un jeune qui se serait fait "arracher son pain au chocolat par des voyous", au motif qu'"on ne mange pas au ramadan". C'est "une réalité que personne n'a contestée et qui a fait pousser des cris d'orfraie à certains bien-pensants", a-t-il relevé.
De son côté, le député UMP Bruno Le Maire s'est dit "révolté" par cette une. "Je combats tout de la politique de Madame Taubira. Je suis en désaccord complet sur sa réforme pénale, sur un certain nombre de choix qu'elle a fait. Mais je respecte tout de la personne de Christiane Taubira", a déclaré l'ancien ministre de l'Agriculture sur RMC et BFMTV.
"On parle de la France, du pays des Droits de l'Homme, des Lumières, de la raison. La France est le pays de la raison. Je souhaite que l'on retrouve la raison et que l'on ne cède pas à ces passions, à la haine, aux affrontements stériles, à la caricature", a-t-il poursuivi.
L'objectif des auteurs de cette une est "de ramener le débat à ce qu'il a de plus médiocre, de plus violent", a estimé Bruno Le Maire. "C'est un message de soutien. Je suis aussi révolté qu'elle, que tous les citoyens républicains en France, par les attaques dont elle fait l'objet", a-t-il conclu.

Le Nouvel Observateur

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