jeudi 14 novembre 2013

Quels horizons pour la nouvelle politique d'investissement ? En quête d'un modèle gagnant

Les investissements réalisés par l'État, dans le cadre de la réhabilitation et de l'extension des infrastructures et des équipements publics, ont pris la part du lion au cours des quatorze dernières années. Plus de 500 milliards de dollars ont été ainsi injectés dans le cadre des plans quinquennaux.

D'après le Premier ministre, Abdeklmalek Sellal, le gouvernement s'apprête à faire le bilan de toutes ces réalisations au cours des semaines et mois prochains. Cela entre vraisemblablement dans le cadre de l'échéance des présidentielles d'avril 2014 où l'action de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'État sera appelée à être mise en relief d'une façon plus ''visible''. Mieux encore, le gouvernement se prépare à confectionner un autre plan quinquennal 2015-2019. Les structures et démembrements de l'État ont été instruits pour identifier les projets à mettre en orbite dans le cadre de ce futur plan, tout en sachant que des dizaines de projets inscrits dans le plan quinquennal actuel, n'ont pas encore démarré. Quelques semaines après sa prise de fonction, Abdelmalek Sellal a commencé à montrer son inquiétude quant aux retards qui grèvent l'exécution des projets sur le terrain. Il avait alors instruit les walis de lui fournir des bilans trimestriels, chiffrés et analysés, de l'avancement des travaux, tout en leur demandant de constituer des comités de pilotage, afin d'identifier les causes exactes des retards de lancement (foncier, oppositions, études non maturées,…). De même, certains projets réalisés et achevés présentent des malfaçons et des erreurs techniques que les maîtres d'ouvrages sont en train de rattraper, mais avec des rallonges budgétaires introduites soit par la procédure d'avenant, soit par de nouveaux contrats portant sur des entretiens et réparations.

Sans doute, le retard le plus dommageable, et qui n'a pas fait encore l'objet de grand traitement de la part des médias, et même du gouvernement, est l'évaluation de l'impact de ces projets sur la vie de la nation, et plus particulièrement sur l'attractivité des investissements créateurs productifs, créateurs de richesses et d'emplois. Car, si les grandes infrastructures (routes, autoroutes, chemins de fer, barrages hydrauliques, extensions de ports, tramways, métro,…) et les équipements publics (lycées, collèges, bibliothèques, stades, salles de sport, maisons de la culture,…) profitent directement aux populations dans leur exploitation "primaire", une grande partie d'entre ces projets sont considérés comme projets structurants, c'est-à-dire qu'ils commandent la chaîne des autres investissements censés être réalisés par les entreprises algériennes et étrangères dans tous les domaines de la vie nationale (industrie lourde, industrie légère, pétrochimie, énergie, agriculture, agroalimentaire, tourisme,…). Dans ce domaine, le bilan n'est pas encore réalisé, même si l'on sait, comme ont eu à le déplorer les responsables officiels à la tête de ces secteurs, que l'attractivité n'a pas encore complètement joué en faveur d'investissements offensifs qui juguleraient la crise de l'emploi et réduiraient un tant soit peu la facture des importations. Cette dernière atteindra, à la fin de l'année en cours, un record historique de près de 60 milliards de dollars.

Est-il normal que, pour un pays pétrolier comme l'Algérie, on ait recours à l'importation de carburants ? La facture d'importation d'essence et de mazout a été de 4 milliards de dollars en 2012. Indépendamment de la facture spécifique aux lubrifiants (huiles et graisses). À l'augmentation du parc automobile- atteignant actuellement près de 7 millions de véhicules-, la croissance en capacité de raffinage n'a pas pu répondre. Les entretiens qui ont touché les installations de raffinage de Skikda ont aggravé la situation. Il y a lieu de souligner que le soutien des prix des carburants a aussi joué dans la balance par une surconsommation générée par des déplacements ludiques et fantaisistes en voiture ; ce qui contribue à obstruer également les routes et les villes algériennes.

Rentabiliser les infrastructures publiques

En tout cas, la fonction de structuration de l'économie nationale à partir des nouveaux investissements publics, est loin d'être une affaire isolée, se limitant à des infrastructures ''inertes''. Le climat d'investissement est un tout ; on ne saurait le limiter à un facteur spécifique. Le gouvernement s'est rendu compte lorsque, après des efforts immenses pour installer des infrastructures coûteuses, la machine d'investissement grince toujours. Indubitablement, l'action des pouvoirs publics est attendue par les populations et les entreprises sur plusieurs "fronts" devant conduire la politique de l'État en matière de création d'emplois, de relèvement des revenus et de lutte contre l'inflation. C'est là un cercle vertueux qui requiert une politique frontale d'investissements productifs, associant des acteurs nationaux -entreprises publiques et privées qu'il y a lieu d'inciter par tous les moyens à l'acte d'investir- et des étrangers dans une optique de partenariat gagnant-gagnant.

Héritant de la loi de finances complémentaire de l'année 2009, un certain nombre de repères destinés à encadrer les investissements étrangers en Algérie- singulièrement, la règle des 51/49 %, le crédit documentaire,…- le gouvernement Sellal n'a pas chamboulé complètement la donne. Dans le nouveau plan "doing business" algérien, préparé par le ministère de l'Industrie sous Cherif Rahmani et continué par Amara Benyounès, il est question de favoriser davantage le climat des affaires pour permettre un afflux conséquent d'investisseurs. La Tripartite, (gouvernement, patronat, syndicat), tenue le 10 octobre dernier, a permis au gouvernement d'exposer les grands traits de cette nouvelle politique d'incitation à l'investissement productif. Car, si toutes les parties concernées- patrons privés, entreprises publiques, syndicats, autorités financières du pays- font de la diversification de l'économie nationale leur crédo, la voie à suivre pour sortir de la dépendance par rapport aux hydrocarbures, n'est pas une ligne droite reconnaissable par tout le monde. Ceux qui ne comptaient que sur les routes, les chemins de fer et les barrages hydrauliques, ont eu le loisir de constater qu'il manque encore des éléments importants pour former le puzzle. Les nouvelles technologies de l'information et de la télécommunication, et à leur tête les performances du débit d'internet et de la téléphonie mobile, les handicaps structurels de l'administration algérienne (dont le déficit de formation et la bureaucratie ne sont pas des moindres), le régime du foncier (avec ses flous en matière de propriété et de cadastre, et les spéculations qui l'obèrent), la rigidité du système bancaire national, ainsi que d'autres facteurs aussi déterminants pour l'installation de réseaux d'entreprises, exigent encore des efforts considérables de la part des pouvoirs publics et des autres acteurs versés dans le créneau des investissements.

L'amélioration du climat des investissements est le leitmotiv de l'actuel gouvernement. Reste à savoir comment traduire cette volonté politique sur le terrain de l'action. Apparemment, les difficultés dont se sont longtemps plaintes des dizaines d'entreprises en matière de zones d'activités et de zones industrielles- manque de viabilisation et de raccordements aux réseaux- sont appelées à s'estomper peu à peu, vu l'ambitieux programme du gouvernement de réaliser des zones industrielles aux normes internationales.

Des zones industrielles aux normes internationales

En octobre dernier, lors de l'adjudication des nouveaux sites devant recevoir les futures zones industrielles, un groupe espagnol a obtenu, pour un montant de 7 milliards de dinars, le marché de réalisation de la zone industrielle de Hassi Abdellah à Ouargla, qui s'étend sur 500 hectares. Dans la même opération, un groupe algéro-égyptien, avec un bureau d'études espagnol, a obtenu le marché de réalisation de la zone industrielle de Aïn Oussara, dans la wilaya de Djelfa, sur une superficie de 400 hectares, avec un montant de 4,6 milliards de dinars. Ces deux grands projets font partie d'une série de zones industrielles modernes que l'État algérien, via l'Agence nationale d'intermédiation et de régulation foncière (Aniref), compte lancer dans l'immédiat. 10 d'entre elles sont considérées comme prioritaires et devront être réceptionnées au courant de l'année 2015. "Nous allons lancer les travaux au niveau d'une dizaine de sites implantés à l'Est, au Centre, à l'Ouest et au Sud, en tenant compte du respect de l'équilibre régional", avait déclaré, l'année passée, Mme Hassiba Mokraoui, directrice de l'Aniref.

En plus de la fonction purement industrielle, ces zones seront dotées de toutes les commodités de vie à même de stabiliser les personnels des entreprises qui y éliront domicile. 

En tout, ce ne sont pas moins de 42 unités que lancera l'Aniref à travers 34 wilayas du pays, totalisant une superficie de 9 572 hectares. L'Agence a estimé le coût global de réalisation à quelque 88 milliards de dinars.

Sachant que le foncier demeure un facteur-clef dans l'attractivité et la stabilité des investissements, et ce, quel que soit le créneau choisi par le promoteur du projet, un observatoire du  foncier a été installé l'année dernière, et a pour mission de "collecter les données sur le foncier industriel disponible au niveau national et sur la mercuriale des prix du foncier dans chaque wilaya", selon Mme Hassiba Mokri. Il est fondamental, selon elle, de travailler à "équilibrer l'offre et la demande de terrains industriels pour réduire la formidable pression sur les wilayas du centre du pays". Pour rentabiliser les nouvelles infrastructures du pays, y compris les futures zones industrielles, et insuffler une nouvelle dynamique dans les investissements productifs hors du traditionnel créneau du bazar commercial ou de la sphère des hydrocarbures, une nouvelle culture devrait être enclenchée au niveau de l'administration publique. Cette dernière ne se limite pas aux maîtres d'ouvrage (qui peuvent être des directions de wilaya, des APC ou d'autres structures), mais elle va au-delà pour toucher le Centre national du registre de commerce, les auxiliaires de justice (principalement les notaires), les services fiscaux, le cadastre, les domaines,…etc. S'il y a lieu de prolonger la procédure du guichet unique par l'Agence nationale de l'investissement industriel (Andi), les mécanismes devraient êtres huilées et les procédures simplifiées. Car, ne l'oublions pas, un grand nombre d'entreprises algériennes et étrangères ont été dissuadées d'aller plus loin dans la constitution de leurs dossiers d'investissement, rien que par la bureaucratie et les tentations de corruption qui tiennent en otage les structures administratives du pays.
 
Les Débats         

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